> | Vous trouverez ci-dessous un entretien autour du rhum des Seychelles Takamaka, paru dans le dernier Whisky Magazine (qui soit dit en passant doit toujours être disponible quelque part, et gratuitement, en version PDF). Pour ceux que ça intéresserait, je mets la touche finale à un nouvel entretien pour leur prochain numéro, avec Grégory Vernant de la distillerie Neisson. Il y sera question du temps passé et du futur, de leur aventure Bio 10 ans après et de quelques autres actualités brûlantes. L’entretien sera sans doute publié ici même, en version complète, et plus tard. Takamaka, l’autre terroirSi l’on devait établir un palmarès des îles productrices de rhum les plus citées, les Seychelles n’en feraient sans doute pas partie. C’est pourtant là que deux frères, Richard et Bernard d’Offray, ont décidé de se lancer dans l’aventure dès 2002 en produisant un rhum pur jus (mais pas que). 18 ans plus tard, un bilan s’imposait… Vous produisez du rhum depuis plus de 18 ans et pourtant, on ne parle encore que trop rarement des Seychelles. Pourquoi selon vous? Sans doute parce que notre production reste très artisanale et que nous n’avons pas d’industrie sucrière sur notre île. Mais historiquement, les Seychelles ont produit du rhum pendant des siècles. Et aujourd’hui, plus de deux tiers de la canne à sucre cultivée ici est destinée à notre production de rhum D’où vous est venu l’idée de produire du rhum? Bernard et moi sommes Seychellois, et bien que nous ayons grandi en Afrique du Sud, nous savions que nous retournerions ici un jour. De retour à Mahé, nous avons commencé à faire ce que nous voulions par-dessus tout: distiller. Notre première colonne a même été construite par notre père (ingénieur)! Comment est perçu votre rhum sur place (NDLR: le seul et unique de l’île)? Les Seychellois sont extrêmement fiers de notre travail et Takamaka est sans aucun doute le rhum du peuple: nous vendons à peu près 60% de toute notre production sur l’île (à travers plus de 450 points de vente sur Mahé, Praslin et La Digue), même si l’export grossit un petit peu plus chaque année. Takamaka produit un rhum de domaine (single estate rum dans le texte), pour lequel vous gérez tout, de la canne à l’embouteillage. Etait-ce un choix délibéré de votre part? C’était même une évidence… Nous sommes complètement indépendants et c’est tout ce que nous avons toujours souhaité. C’est évidemment assez rare de nos jours et c’est un vrai défi, mais c’est surtout très agréable au quotidien. Cela nous aura permis de faire le rhum que nous souhaitions, sans idées préconçues ni règles. Au fur et à mesure que notre entreprise a grandi, nous nous sommes aussi adaptés à l’absence de sucreries, passant les deux dernières décennies à trouver des solutions pour répondre à la demande . Aujourd’hui, nous travaillons avec un producteur en Afrique du Sud qui nous approvisionne en mélasse et avons récemment installé une toute nouvelle colonne continue qui est venue s’ajouter à nos trois alambics. Nous proposons donc une gamme de rhum assez versatile, allant du style agricole au rhum de mélasse, et même des assemblages des deux styles. Parlez-nous un peu de Takamaka Takamaka, c’est une grande famille d’environ 40 personnes, qui n’a quasiment pas changé depuis nos débuts. C’est aussi une coopérative de petits cultivateurs de cannes à sucre partout dans Mahé qui bénéficient directement de la distillerie, et inversement. C’est avant tout un travail d’équipe et l’humain est au centre de tout. Pourquoi ne pas planter de la canne autour de la distillerie? Parce que la production de canne à sucre est interdite sur les terres agricoles, qui sont avant tout destinées à la culture de fruits et légumes. Il faut penser les Seychelles comme une minuscule île avec de très grandes montagnes: il n’y a que très peu de terres cultivables. Pour nous fournir en cannes à sucre, nous faisons donc appel à une coopérative d’une quarantaine d’agriculteurs indépendants qui la cultivent dans les endroits vallonnés et difficiles d’accès. C’est là, dans les montagnes, que notre canne prospère. Au fil des années, nous avons tissé des liens très étroits avec eux en les aidant à cultiver sans pesticides et tout le monde y gagne: ils génèrent des revenus supplémentaires à partir d’un espace qui n’est normalement pas utilisé, et nous obtenons en échange une matière première unique. Et une fois la canne broyée à la distillerie, nous leur redistribuons la bagasse qui sert à fertiliser naturellement les champs. On peut donc parler d’un terroir seychellien? Absolument. Notre sol granitique et notre riche écosystème sont uniques et ne ressemblent à aucune autre île au monde. La canne est cultivée aussi bien dans les montagnes tropicales qu’à plus basse altitude où elle est maintenue humide avec les embruns. Nous sommes persuadés que le terroir a un impact sur le rhum, tout comme nos procédés de fabrication: étant sur une toute petite île, notre canne est coupée, livrée et broyée le même jour. Même l’eau utilisée joue un rôle important: descendant directement des montagnes, elle est très pure et fait pleinement partie de notre identité. Et à quoi ressemble une journée de production type? Nous recevons en moyenne une tonne de cannes par livraison qui est ensuite broyée sur un petit moulin. Quelques 120 litres de jus sont ensuite extraits et versés dans de grandes cuves de fermentation pendant 3 à 5 jours, additionnés d’une levure spéciale et de notre eau de source. Côté distillation, nous jonglons avec trois alambics, dont le distillat reposera plusieurs mois avant d’être mis en fût. La quasi totalité de notre rhum pur jus (de sytle agricole) vieillira dans des fûts neufs de chêne français qui ont été spécialement développés et fabriqués pour nous par la société Radoux, mais nous utilisons aussi des ex-fûts de Bourbon, de Porto et de Xérès.
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